Spiritualité: le bond en arrière

Après des années à tourner en ridicule la réflexion et l’esprit critique, il était bien logique qu’on finisse par régresser et à presque se retrouver au Moyen-Âge, où la spiritualité prévalait sur les sciences et l’intellect. Sauf qu’au Moyen-Âge ils avaient une excuse: les sciences en étaient à leurs balbutiements.

 

Comment en est-on arrivé là?

Et bien… Même s’il existe une pléthore de raisons, on pourrait dire qu’à force de servir à tous les niveaux des non-sens à la masse, qu’à force de dénigrer l’intelligence et à ridiculiser la capacité de l’Être humain à réfléchir, et qu’à force de pourrir la vie des gens au point qu’ils se distancient tout simplement de la réalité… Ces humains se soient tournés vers quelque chose de plus grand. Quelque chose qui ne souffrirait d’être discuté: la spiritualité.

Et que ces croyances soient vraies ou fausses, qu’importe! Rien ne nous empêche d’y croire et encore moins d’être convaincus de détenir la vérité. Du coup on en est rendu à se retrouver avec entre autre, une communauté grandissante de platistes. Super.

 

Nous vivons une période où la plupart des gens sont uniquement câblés dans l’émotionnel puisque tout est fait pour stimuler l’affect de la masse depuis des années. Avant tout passait par le cul, fallait une paire de meules minimum pour te vendre un gel douche, aujourd’hui acheter du fromage de chèvre fera de toi quelqu’un de formidable, de même que tu vas aussi conquérir le monde en Peugeot (surtout en Peugeot MDR)(pardon) sans même qu’on te vante les mérites de la machine.

Encore une fois, rien mais absolument rien ne stimule l’esprit critique qui s’est atrophié chez un grand nombre d’individus. Ça se comprend doublement puisque réfléchir te fera quasi automatiquement passer pour un complotiste. Et être complotiste, c’est très vilain-vilain! Pour ceux qui doutent, être complotiste en 2024 c’est penser différemment de ce que les politiques et les médias veulent que tu penses.

Whatever, l’émotionnel est plus puissant que la raison.

 

Du coup puisque plus rien n’a de sens on en arrive logiquement au grand retour des croyances et de la spiritualité, les deux étant complètement décorrélés de la raison.

Je n’ai rien contre les personnes ayant des croyances personnelles, en soi je trouve ça intéressant dans une vie à bien des égards. Mais ça commence à me poser soucis quand on me dit que la terre est plate, qu’on m’oppose des arguments basés sur les religions, qu’on m’oblige à penser la même chose ou qu’on m’oblige à vivre en fonction des croyances des autres. Parce que tu peux croire à ce que tu veux comme tu veux, mais tu ne peux pas ignorer la science, les faits et encore moins annuler l’Autre pour sauver tes petites lubies personnelles.

 

Et le résultat de l’augmentation des croyances est un abêtissement global largement observable.

Ceci est un exemple parmi d’autres, dans les suggestions YouTube, je suis tombée sur l’interview d’une dame qui a vécu l’enfer dans une secte satanique durant son enfance. Ah ben oui! C’est vrai! Satan est une valeur sûre dans le sensationnel… Pourtant depuis le temps j’aurais cru que ça se réchauffait trop et que les gens étaient passés à autre chose. Mais non. Si les exorcismes ne font plus trembler personne à part peut-être quelques tribus dans des contrés reculées, le Maitre de ce monde est un sujet intarissable.

Quoiqu’il en soit cela faisait plusieurs fois que cette vidéo m’était suggérée mais que j’avais la flemme de cliquer dessus pour entendre, certainement, encore les mêmes conneries et encore, certainement de m’agacer. J’ai fini par cliquer parce que j’avais rien d’autre à regarder.

 

On est sur une chaine “d’information” indépendante ayant deux bonnes centaines de milliers d’abonnés, et je ne connais pas cette dame qui raconte son histoire. Une histoire digne des plus mauvais nanars. Des plus mauvais nanars français même.

Un nanar à base d’attaques à distance par ondes, de messes noires orchestrées par des curés catho clairement nommés ou presque (ça va loin), d’ailleurs ce ne sont même pas des messes noires mais des boucheries dont des enfants (dont cette dame), sont les acteurs principaux. Des enfants découpent d’autres enfants, on boit leur sang, on mange leur chair, et on fait la vaisselle satanique

Toute la vie des victimes est d’ailleurs contrôlée par la secte qui parasitent tout les pans de leur vie et bien évidemment personne ne voudra donner du crédit à la victime quand cette dernière voudra dénoncer ce qu’elle a vécu. On se demande bien pourquoi effectivement.

Moi qui pensais avoir tout entendu sur “les sectes sataniques”… Il a suffit de quelques secondes de ce récit pour capter toute mon attention. OuatLeFeuk…

Jusqu’alors je n’avais que le son puisque les yeux sur Pinterest, mais j’ai commencé à écouter très attentivement la dame, à observer sa posture et à décortiquer son laïus.

On est sur une personne qui a bien étudié son sujet, qui sait argumenter en employant des termes et des tournures de phrases très spécifiques et savamment choisies, tout comme elle utilise avec une facilité déconcertante les champs lexicaux qui vont bien. Tout cela a pour effet d’apporter du crédit au récit.

Son discours est verrouillé. C’est à dire que tu ne peux pas contre-argumenter, jamais. Le cas échéant tu te retrouves complice de la secte. D’ailleurs si tout les faits énoncés sont si énormes, c’est bien parce que la volonté de la secte soit de discréditer d’emblée les victimes qui ne seront donc jamais prises au sérieux en disant des choses pareilles.

Et le tout est merveilleusement construit, magnifiquement détaillé… Sauf que c’est dans des pures clichés, même s’ils sont poussés à un paroxysme inédit. D’ailleurs, elle en a fait un film, validé par des interventions de psychologues, mais presque aucune salle ne le diffuse, surement sur ordre de la secte.

Étrangement, je n’ai jamais eu une vraie victime me racontant des faits de cette manière là, même des années après les épreuves. Il me serait très facile de me dire que chacun est différent est qu’au final je n’ai jamais eu de victime ayant vécu ce que cette dame a vécu. Néanmoins, il y a une trame commune distinctive dans les récits des victimes, et ici, elle est totalement absente.

Son attitude est étonnamment sobre mais aucunement détachée. Sa mise en scène est presque bien léchée. Elle regarde fixement la caméra au détriment de son interlocuteur et saupoudre savamment des simagrées victimaires dans son discours qui tombent pile aux moments où je me surprends à les attendre, ce qui honnêtement ne m’arrive jamais. Si on peut distinguer la trame distinctive sus-citée, anticiper le reste est impossible. En général quand j’en arrive là c’est que j’ai saisi un pattern, or il n’y en a jamais dans ce genre de contexte.

Et puis dans son regard, qui lui par contre est très distinctif: le void. Ce n’est pas un terme officiel évidemment, c’est comme ça que je nomme cet espèce de néant glacial presque sauvage dans le regard des personnes psychotiques. Toutes en sont pourvues sans exception.

Mais là, n’est pas le sujet.

 

Faut-il être professionnelle pour capter tout ce que je viens de dire? Dans les détails certainement, mais tout le monde est malgré tout capable d’observation et de s’octroyer une distance raisonnable, surtout quand on lui conte des choses aussi extrêmes.

Alors que la vidéo qui finit clairement par m’indifférer, défile en arrière-plan, je scrolle les commentaires. Des milliers de commentaires majoritairement à base de Dieu, de Jésus, d’Allah et de Jéhovah. J’ai du en compter 5 de personnes qui s’interrogeaient poliment sur tout ça. 5 personnes. Sur l’instant, j’espère que les commentaires ont été modérés et qu’il y en avait beaucoup plus qui ne sombraient pas dans ce délire paranoïaque. Personne ne se demande par quel biais on peut se retrouver blessé par ondes à distances. Personne ne s’interroge sur la nécessité de nombreux exorcismes sur la protagoniste. Non. Simplement car tout ça existe bel et bien, dans la tête des croyants. Et ce récit n’est finalement qu’une preuve supplémentaire qu’ils ont raison de penser ce qu’ils pensent.

Au final, je ne comprends pas comment une personne dont la santé mentale est inquiétante arrive à avoir autant de visibilité (ce n’était pas le seul média à l’avoir invitée). Mais ce qui me chiffonne encore plus, c’est que ce genre de matériel qui ne serait jamais sortie d’un institut psychiatrique à une époque, trouve si facilement un public aujourd’hui. Les gens ne discutent plus, ne s’interrogent plus, ils ne critiquent plus: ils consolident leurs bonnes croyances.

Et bien, amen.

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